Après avoir endormi la méfiance des lecteurs avec un bon
livre d’initiation, je vais vous décrire en quelques mots les objets de mes
penchants les plus honteux, là où mon coté obsessionnel peut s’épanouir à son
aise. Les objets car il y en a plusieurs. Ils sont dissimulés sous l’aspect de
classeurs de fonctionnaire, ces gros classeurs gris à levier qui n’inspirent
que rarement de désir chez l’humain normalement constitué. Mais ces classeurs
contiennent une somme de documents sur le golf, et plus particulièrement sur le
swing. Il y a des textes en anglais, en allemand, parfois même en français. Des
centaines de pages sur un seul geste. Peu de photos, pas la moindre anecdote.
Mais il y a des mathématiques, de la physique, de la physiologie, de l’anatomie.
Tout ce que j’ai pu trouver sur le swing de golf et que j’arrive à comprendre.
Mais ces pages, d’où viennent-elles? Il faut croire
que le golf est très répandu chez les universitaires, qu’ils soient
mathématiciens, physiciens, médecins. Et tous ces éminents personnages ont, un
jour ou l’autre, réfléchi à leur capacité à taper plus ou moins bien la balle. Comme
ils sont éminents et universitaires, le fruit de leur réflexion ne pouvait
déboucher que sous la forme d’un article scientifique, publié si possible dans
une revue de référence. Ces articles, je me suis mis à les débusquer depuis
quelques mois, et la pêche est très fructueuse.
Honnêtement, certains de ces articles sont vraiment abscons
et ne révolutionneront jamais la technique de drive. Par exemple, j’en ai
trouvé un dernièrement (plus exactement, un étudiant l’a déniché et me l’a
apporté, mon péché mignon commence à être connu) en allemand sur les actions du
carré pronateur gauche. Il n’est malheureusement pas en libre accès, sinon je
me serais fait un plaisir de vous le faire partager. Bon, je l’ai lu six fois
cet article, et j’ai encore du mal. Pourtant je suis sensé connaître assez bien
ce dont il parle.
J’en ai quelques autres qui comportent plus de formules
mathématiques que de phrases, productions de mes amis physiologistes. Les vecteurs
y croisent les moments angulaires, les résistances élastiques s’opposent aux contractions
isocinétiques. Et tout ça pour essayer d’optimiser et de rationaliser le swing;
quels muscles, quelles articulations, dans quel ordre, avec quelles amplitudes.
Et tous ces savants ne sont pas d’accord entre eux. Les «performants»
contre les «économes» (ceux qui veulent augmenter la puissance
contre ceux qui veulent diminuer le travail musculaire), les «musculeux»
contre les «articularistes» (ceux qui raisonnent sur les muscles
contre ceux qui se passionnent pour les articulations). A chaque fois des démonstrations
implacables, des calculs aiguisés, des postulats inoxydables. Mais qui s’opposent
d’un article à l’autre. Grâce à ça, ma perversité est rassasiée au-delà de mes
espoirs les plus fous.
Par moments je me dis qu’il doit y avoir au milieu de toutes
ces pages quelque chose de proche de la vérité. Je ne la vois pas vraiment (la
verrai-je un jour?), mais au moins je comprends un peu mieux l’intérêt de
tel ou tel enchainement de mouvements lors du swing. Sinon, j’ai quand même ma
chapelle de prédilection, et ce qui tombe bien, c’est que sa doctrine est très
connue, et publiée depuis près de 40 ans. Son évangile s’intitule «the Golfing
Machine». C’est aride, difficile, et je ne suis pas d’accord sur tout. Le
bonheur, quoi…
tu vas finir au fond d'un bureau obscur dans une maison sous les vents au bord d'un océan indompté avec une bougie torturée comme seule compagne et tu ne verras plus jamais de terrain de golf toi!
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