mardi 13 avril 2010

Ou comment le vice conduisît à la vertu...

Le golf professionnel a connu ces derniers jours un moment comme de nombreux organisateurs en rêveraient. Tout avait commencé pour des raisons somme toutes détestables. L'icône absolue, le modèle inaccessible, le roi incontesté était tombé de son piédestal en novembre dernier. Tiger Woods avait vu révélé au public quelques uns des aspects les plus sordides et triviaux de sa vie privée, à l'opposé complet de l'image que lui et ses sponsors entendaient présenter au monde. Si pour nous, hommes latins, nous avions tendance à excuser le bonhomme, de l'autre coté de l'atlantique c'était une toute autre histoire. Plus encore que les turpitudes, ce qui lui était reproché c'était ses tromperies. On pouvait tolérer un comportement ouvertement transgressif, on n'excuserait jamais d'avoir voulu mentir au public. C'est d'ailleurs ce qui fait la différence entre un John Daly dont les frasques publiques ne lui ôtent pas l'affection d'une part non négligeable des américains et Woods qui avait toujours prétendu être un homme et mari modèle.

Ces derniers jours donc, le retour de la star peut-être déchue faisait l'actualité. Ses actes de contrition publics répétés ne semblaient pas toujours d'une sincérité absolue, ils avaient le mérite d'exister. Et la décision de son retour était prise. Dans le seul tournoi qui pouvait assurer que ce retour se déroulerait sans incident trop choquant, le Masters. Pour ceux qui l'ignorent, le Masters se déroule, à la différence de la quasi-totalité des autres tournois de l'USPGA, dans un climat très sécuritaire. Les spectateurs sont consciencieusement filtrés à l'entrée, et surveillés en permanence par une nuée de gardes en tout genre. Plus encore, il est très difficile d'obtenir son passe, mais très rapide de le perdre à vie. le Masters donc pouvait garantir que les spectateurs ne s'autoriseraient pas de démonstrations à l'encontre de Woods.

Woods faisait donc son retour à Augusta. Allait-on voir un  retour gagnant, ou au contraire assister en direct à la destitution de son statut de maitre du golf ? Des autres joueurs il n'était quasiment pas question. Les retransmissions des médias se concentraient sur les horaires de jeu du phénomène. Et première conséquence, les audiences promettaient d'être abondantes.

Et nous avons assisté à un de plus beaux tournois depuis longtemps. La première journée à noyé le poisson. Le temps était annoncé médiocre avec du vent, les organisateurs avaient donc placé des drapeaux "faciles". Le vent était au rendez-vous et les scores sont restés élevés, les obstacles d'eau ont avalé leur content de balles, les bois ont accueilli les drives égarés de nombre de joueurs. Mais sur la fin de journée le vent s'est sérieusement calmé quand la pluie a débuté. C'est à ce moment que Woods jouait, il a ramené une carte bien plus flatteuse que la réalité de son jeu, médiocre au driving et plus médiocre encore au putting, sauvé par la qualité reconnue de son jeu de fers. Mais ce n'était pas seulement lui qui avait la vedette. Deux papys du golf, Watson et Couples avaient brillé une fois de plus au nez et à la barbe des petits jeunes. On espérait voir se rejouer le British Open. Et cette année, les téléspectateurs étaient gâtés, ils pouvaient choisir entre quatre réalisations. Le buzz s'est fait, il devenait essentiel d'assister à ce tournoi.

Et nous avons eu raison. Au fil des journées nous avons vu une lutte spectaculaire entre des joueurs agressifs, des retournements de situation, des coups sensationnels. La présence de Woods n'était plus vraiment importante, d'ailleurs il n'attirait plus autant les caméras. Parce qu'il ne jouait pas si bien que ça, mais surtout parce que d'autres rayonnaient comme jamais. Poulter, puis Westwood sortaient des tours d'anthologie, sans pouvoir s'échapper de leurs poursuivants. Le quatrième jour fut une consécration. Jusqu'à la fin le résultat a été indécis, mais la moindre erreur devenait fatale. Pour gagner il fallait oser, et Mickelson est allé jusqu'au bout.

Nous avons vu un tournoi haletant, indécis, avec une intensité de jeu rare. Dix joueur au moins ont pu y montrer leur talent immense. Nous reverrons certainement bientôt Woods, il regagnera très certainement encore des tournois, peut-être même des majeurs, et rapidement probablement. Mais hier soir, Woods n'était plus l'objet de notre passion. C'était le golf. Et c'était bien mieux.

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