dimanche 18 juillet 2010

Faut être patient

Ces dernières journées de compétition n'ont pas été ce qu'on pourrait appeler un chemin de pétales de rose. Il a fallu composer avec des balles erratiques, une assurance pas toujours à toute épreuve, et surtout des scores qui m'ont rappelé les vertus de l'humilité. Et encore j'ai la chance de naviguer dans un club qui épargne l'annonce publique des cartes lamentables.

Les hasards du travail et d'une météo tempétueuse m'ont contraint à limiter mes comportements addictifs au seul suivi de The Open, ou l'Open d'Angleterre pour les non-initiés. Le spectacle télévisuel fut remarquable, tout comme la dramaturgie. Le parcours qui se faisait humilier le jeudi matin à la faveur d'un moment sans vent a pris une revanche éclatante le lendemain sur les joueurs qui s'étaient permis de lui manquer de respect. Demandez à Rory McIlroy ce qu'il pense de son 80 au lendemain de son 63. Seul un ou deux joueurs tiraient leur épingle du jeu, dont le vainqueur final, Louis Oosthuizen, qui a éteint dans l'œuf toutes velléités de discréditer son score en l'attribuant aux conditions météo grâce à 2 cartes solides une fois le cut passé.

Mais aujourd'hui pas de tempête ni de patients, j'ai pu replonger dans mon vice. Au programme du jour, une petite Cochonou des familles, plus exactement la coupe dotée par la supérette locale. N'écoutant que ma conscience professionnelle j'ai tenu à faire un peu de practice avant le départ, pour me rappeler au moins par quel bout on tient les clubs. Les intentions sont une chose, leur exécution une autre. Suite à divers aléas que je ne détaillerai pas ma nuit de sommeil a été très courte. D'où un réveil non seulement difficile, mais également tardif. N'écoutant que mon inconscience, j'ai tenté de rattraper le temps perdu sur les petites routes entre la maison et le terrain. Après quelques risques inutiles, j'ai regagné trois minutes sur l'horaire annoncé par le GPS, un exploit tout de même. Temps que j'ai consacré à l'absorption de quelques cafés serrés supplémentaires, il serait trop idiot de s'endormir sur le départ du 1.

J'ai quand même réussi à taper un demi seau de balles, fait une dizaine de petites approches tout juste, et tapé autant de putts, puis me voila au champ d'honneur. J'ai décidé d'appeler le parcours et ses abords "champ d'honneur", ça fera plus chic en cas de chute de prétendre "être tombé au champ d'honneur" que de devoir admettre qu'on a glissé dans la mare du 13. Driver en main, sur le tee du 1. Je swingue comme je peux et la balle a la politesse de partir longue et droite, dans la direction voulue. Le coup d'hybride suivant n'est pas vilain, il aurait été mieux s'il avait pris la direction du green. Un instant touché par la grâce, je dépose mon approche au pied du drapeau, et je rentre le petit putt. Un par pour commencer. A ce moment je pense très fort à ce qui m'était arrivé la compétition d'avant, ce par inaugural suivi d'une procession de croix.

D'ailleurs le 2 ne démarre pas au mieux, mon drive échoue dans le bunker de fairway. Pour me consoler, je me dis qu'ils sont placés pour piéger les balles des bons joueurs. Très curieusement, le coup de fer 5 téméraire suit exactement la trajectoire prévue et la balle stoppe sur le green à 2 mètres du mat, 155 mètres plus loin. Comme à la télé (sauf qu'à la télé pour cette distance, ils auraient joué un fer 7). Je ne sens pas le putt, et je le rate. Par contre le second tombe dans le trou, nouveau par. Au 3, le drive file en push, dans le rough, sous des branches basses. Un coup roulé me recentre en progressant d'une cinquantaine de mètres, c'est toujours bon à prendre. je suis court sur le troisième coup qui échoue à 1 mètre du green. Un putt de l'extérieur, puis un autre, bogey.

Le 4 a assez bien démarré. Drive un peu à droite dans un petit rough, hybride qui avance pas si mal. Le coup de fer 6 reste court (encore !) du green alors que je visais le mat 20 mètres plus loin. L'approche n'est pas belle, ni le premier putt. Le deuxième putt refuse de tomber, donc 3 putts et double bogey. Le 5 n'est pas fantastique. l'entame à l'hybride échoue à gauche du green, et l'approche qui suit est mal dosée. Deux putts pour le bogey. Ca s'améliore sur le 6; drive long et droit, 52° sur le green, le putt pour birdie ne fait pas son boulot, un second donne le par. Le fer 6 sur le 7 est embarqué, mais l'approche est bonne, un petit putt et un par.

Il faut un craquage pour pimenter une partie, et il arrive maintenant au 8. Gros pull hook au drive qui finit hors limite. La deuxième balle suit presque exactement le même chemin, mais s'arrête dans le rough quelques centimètres avant la ligne fatale. Il reste encore une distance très importante pour le green, qui est obstrué par un important rideau d'arbres. Perdu pour perdu, j'attaque à l'hybride en aveugle, par dessus les obstacles. La balle vole comme dans un rêve, mais échoue dans un rough tortueux, au pied d'un arbre. Petit recentrage cette fois pour me remettre dans l'axe. Puis on repart dans l'aléatoire; l'approche de quelques mètres est toppée et traverse le green, jusqu'au rough d'en face. Je vous disais que c'en était un de craquage. Bon, la partie derrière commence à s'impatienter, alors petite approche et deux putts, un joli 9 sur ce par 4.

On a bien ri, il est temps de s'y remettre. Le drive du 9 est joué en sécurité à l'écart des bunkers, suivi d'un fer 8 qui trouve le green à l'endroit voulu. Le putt pour le birdie est jouable, mais pas cette fois. Par. Au 10, l'entame au fer 9 est bien grattée. L'approche reste un peu courte du trou, deux putts seront nécessaires. Le 11 est certainement le trou le moins bien joué de la partie. Drive à gauche dans le rough, juste avant un arbre perfide. Recentrage comme je peux, mais un top suit, et le quatrième coup ne trouve toujours pas le green. L'approche suivante si, et deux putts pour un double pas glorieux.

 Arrive une bonne séquence sur les 12, 13 et 14. Hybride-fer 6 deux putts, hybride-wedge deux putts, puis drive-fer 7 deux putts, et voila trois GIR-pars d'affilée. Au 15, le fer 6 dérape dans le bunker, la sortie pas belle me coute deux putts et un bogey. Puis au 16, après un drive pas très long mais bien placé, je fais un top misérable au bois 3, la balle part dans le rough de gauche, avant un rideau d'arbres. Je tente un grand coup d'hybride en draw prononcé qui fait ce qu'on attendait de lui, puis l'approche me pose sur le green, et les deux putts rituels pour un bogey. le 17 démarre mal, la balle finit à gauche dans le rough, le drapeau est caché par des arbres. Qu'à cela ne tienne, un grand fer 8 permet de survoler les obstacles, et la balle trouve le green à deux mètres du mat, et enfin je réussis un birdie. Au 18 je frôle la catastrophe, le drive file droit vers le HL, mais une branche stoppe la balle et la renvoie en bord de fairway. Le fer 7 suivant n'est pas mieux contacté, je rate le green. Une approche et les deux derniers putts pour un dernier bogey.

Au moment des comptes la bonne impression générale se confirme (d'autant plus que j'ai toujours gardé en tête mon score); +9 à l'aller avec un quintuple, et +5 au retour. 1 birdie, 8 pars, 6 bogeys, 2 doubles et un quintuple, pour un score de 85 en strocke brut. 7 FIR, 7 GIR, 32 putts.

La vraie récompense c'est l'index qui descend d'une marche, à 17.4. Accessoirement je gagne en brut et en net dans ma série, et je repart avec du vin. Je ne bois jamais d'alcool.

mardi 13 juillet 2010

A moi Jeanne, reviens !

Vous avez tous compris depuis longtemps que la Bretagne est le paradis du golf. Notre climat tempéré, les pluies heureuses et un paysage à couper le souffle ont assis notre réputation depuis longtemps. Mais tout n'est pas idyllique au paradis. Nous souffrons d'un mal sournois et prolifique qui, telles les maladies cryptogamiques qui touchent les greens du voisin (par définition mon golf n'est jamais malade), revient chaque année aux beaux jours. Cette maladie a un nom, c'est la seniorose albionique. Certains clubs, à l'instar de ceux situés autour de Saint Malo, sont quasiment condamnés tant l'infestation est majeure. Nous mêmes, pourtant éloignés de la porte d'entrée, nous présentons des symptômes de jour en jour plus prononcés.

Mais à quoi ressemble cette maladie exactement ? Sa présentation varie suivant les jours, mais on retrouve des constantes. L'agent pathogène, car on peut ranger cette affection dans les pathologies infectieuses, est une forme de vie complexe dotée de diverses fonctions. Son aptitude aux mouvements autonomes est réduite, mais possible grâce au concours de deux appendices appelés legs, assez fréquemment complétés d'un support automobile, un cart. Son alimentation est exclusivement à base de décoction de certaines variétés de camelias sinensis, ou chez le mâle, de jus de fermentation de houblon. Il semble qu'il existe des possibilités de communication entre les différents agents d'une même population car ils émettent des signaux sonores que certains audacieux qualifient de langage. C'est probablement s'avancer, il n'en reste pas moins que les signaux sonores en question provoquent parfois une modification du comportement de ceux qui se trouvent à portée.

Au premier abord leur nuisance ne semble pas majeure, on note juste leur propension à sédimenter dans certaines zones des club-houses comme le comptoir du bar, et bien sûr les nuisances sonores, principalement en fin de journée et après leurs périodes d'alimentation. Mais leur coté pathogène apparait essentiellement ailleurs, sur le terrain. Il se trouve que ces formes de vie montrent une appétence particulière pour le jeu de golf et elles se répandent sans vergogne sur les fairways et les greens, moins dans les roughs. Outre leur présence qui, on l'a démontré, ralentit le rythme des parties de près de 0.00001%, c'est surtout leur "jeu" qui provoque des lésions cérébrales presque irréversibles aux spectateurs et aux partenaires qui auraient eu le malheur de les croiser. Ce n'est qu'une suite de gestes improbables et de coups roulés, sans la moindre élégance ni aucun respect des canons du swing académique. Et la pauvre victime voit à chaque fois ou presque avec un dégout croissant la balle partir vivement et se diriger sans coup férir vers le green ou le trou. Alors qu'elle n'aurait pas du. Et c'est ça qui peut vous pousser au suicide.


Donc chers amis, si un jour vous croisez ces spécimens,  méfiez-vous, refusez avec énergie de partager leur partie. Vous n'y récolteriez que la perte des dernières de vos illusions, à voir ces individus capable de rendre des cartes impressionnantes en dépit de leur mobilité réduite, leur vision aléatoire et leurs forces lamentables. Voir tout au long de 18 trous un vieillard cacochyme à peine capable de soulever un club junior, ne jamais expédier sa balle a plus de 130 mètres mais qui systématiquement s'arrêtera à l'endroit idéal pour le coup suivant, ne jamais utiliser son putter plus d'une fois sur un green en dépit de ses lunettes à triple foyer entraine des lésions cérébrales majeures et des bouffées névrotiques, je vous le dis. D'autant que ces individus en question poussent leur perversité à être d'une politesse irréprochable et très souvent d'une conversation passionnante.


 Je me demande ce que fait le gouvernement pour nous éviter ces humiliations répétées. Nous sommes de mauvais golfeurs certes, mais ce n'est pas la peine qu'on nous le montre en nous confrontant à ces sportifs expérimentés. En tout cas, moi je refuse de jouer encore avec un bientôt nonagénaire qui ramène une carte de 80, c'est trop déprimant.

dimanche 11 juillet 2010

la note de la semaine

Aujourd'hui les chiffres sont cruels. J'ai ramassé une bonne vieille bourriche des familles (100 tout rond), avec 4 pars, 6 bogeys, 3 doubles, 4 triples et un quintuple.

Tout démarre bien avec un par construit sur le plus gros par 4 du parcours (390 mètres); drive, hybride qui s'arrête au pied du green, approche collée au mat, et un putt pour finir. C'est au 2 que le folklore a commencé. Drive un peu mou, et hybride toppé, reste 60 mètres pour le green, tout droit. Sauf que la grosse socket au wedge expédie la balle dans les branches d'un sapin au milieu d'un bosquet qui passait par hasard. Balle injouable, drop, puis recentrage. Le sixième coup me permet d'atteindre le green, un putt, triple. Sur le 3, c'est mon deuxième coup qui rebondit à gauche et va se coller au pied de la clôture matérialisant la limite du terrain. Balle injouable une nouvelle fois, drop qui redescend un peu vers la clôture. Coup comme je peux qui trouve un bout de green deux putts, double. Au 4, un joli drive mais arrêté par le vent, un peu court. Deuxième et troisièmes coups toppés, le quatrième embarqué à gauche finit dans le rough à proximité du bord de green. Le lob shot pour survoler le bunker finit dans le bunker, la sortie est médiocre, deux putts et triple sur ce par 5. On continue dans l'exotique sur le 5. L'entame touche le green mais sort dans le bunker de gauche. Sortie clean qui flye le green et finit sa course HL; drop dans le bunker, re-sortie, deux putts, triple again. Je viens de jouer +11 sur 4 trous, un bonheur.

Mais c'est pas fini. Sur le 6, le drive sur la gauche du fairway m'empêche d'attaquer directement le green puis deux putts font bogey. Au 7 mon entame est un peu courte, le putt de l'extérieur ne roule pas (herbe mouillée), il reste 6 mètres de green, bogey. Le plus grandiose arrive au 8. Le drive s'échappe dans le talus de droite, un petit coup de fer me remet sur la piste. Le troisième coup est à droite du green, reste une approche de 25 mètres par dessus un bunker. Je déploie alors tout mon talent; l'approche est toppée, elle fuse et finit de l'autre coté, dans un rough très épais, en pente au dessus du green qui lui même descend jusqu'au mat. Je veux la jouer fine, petit lob shot, trop court. Le deuxième touche le green mais a pour une fois du spin, la balle ne roule pas. Ca fait déjà 7. Avec les deux putts, ça fait 9, quintuple bogey. Et pourtant... au 9 le drive est dans le bunker de fairway, sortie qui touche le green mais ressort. Approche et 2 putts, bogey. sur le 10, fer 9 embarqué à gauche, dans le bunker. La sortie n'est pas au mat, le premier putt échoue à quelques millimètres, bogey (c'était déjà arrivé au 7). Au 11 drive contre le vent, hybride un peu à droite, attaque du green au fer 8, gratte, donc approche et un seul putt de loin, par.

Au 12, toppon minable au départ, la balle fait juste 40 mètres. Deuxième coup au fer 6 pour me placer avant l'obstacle d'eau, un rebond imprévu la colle contre un saule pleureur. Green donc fermé, je tape un coup un peu rapide pour me recentrer. La balle un peu longue finit dans le rough, particulièrement prolifique à cet endroit, au milieu des pommiers. Ben évidemment l'un d'entre eux me barre la route, j'ai des rêves de tronçonneuse. Un coup pour me dégager, puis un pour arriver enfin sur le green. Plus deux putts, et de nouveau triple. au 13, je reprend pied: entame par dessus le rideau d'arbres, wedge pour le green, deux putts...non, le deuxième s'arrête au moment de tomber (tiens, je commence à connaitre), trois et bogey. pour le 14 le drive est droit mais court, il me manque 15 mètres pour l'ouverture. Fer 6 en fade appuyé pour finir dans la bonne direction, pas mal mais manque de longueur encore. L'approche est trop appuyée et dépasse le mat. Un premier putt pour se rapprocher, le deuxième pour rentrer... non encore... un troisième et double bogey.

Au 15 je rate le green en raison du vent, la balle est dans le bunker. Sortie comme à la télé, un putt de 40 cm pour le par, ça va mieux. sur le 16, drive un poil à droite, hybride bien claqué, fer 8 optimiste pour le green, oups, bunker. Sortie, un putt long qui rentre, par. Pour le 17, joli drive qui trouve malheureusement un trou dans le fairway. Le PW n'est pas bien contacté et sort légèrement du green. Pas grave, un wedge, heu toppé, je retraverse le green. Deuxième approche, cette fois-ci elle s'arrête. Un enième putt mou, d'où un deuxième à suivre, double. Enfin le 18, je ne rêve que d'une douche après 5 heures sous une chaleur moite (devant nous un vieillard refusant la voiturette par coquetterie nous a imposé son rythme reptilien). Drive un poil à droite sur le fairway, 56° pas assez appuyé qui stoppe sur le collier de green. Putt de l'extérieur bien trop mou, puis un deuxième qui refuse de tomber, bogey final.

Mine de rien ça ne fait que 33 putts, pour moi c'est peu, surtout avec mes 5 putts qui se sont refusés à tomber. Et à part ça, techniquement j'ai eu la sensation de balles bien contactées, et j'ai encore eu droit aux mêmes commentaires: "avec ton swing tu devrais être single" et "tu es à ça d'être à un chiffre". C'est bien gentil mais pour être à un chiffre j'ai encore 10 points d'index à descendre, et faudrait que j'arrête d'en mettre partout.


Sinon hier j'ai perdu honorablement en match play dans le championnat du club, contre un 9,6. 2 down au 18, alors que je pensais être renvoyé à la maison avant le 12. Un peu plus de réussite qu'aujourd'hui et un adversaire pas toujours aussi impressionnant que d'habitude m'ont permis de tenir jusqu'au bout.

mardi 6 juillet 2010

Attaquons les moulins

La culture du golf est remplie de sentences, aphorismes et autres proverbes qui sont nés on ne sait trop comment et qui prospèrent depuis des décennies si ce n'est plus sur toute la planète golfique. Les plus connus se rapportent au swing, et vous avez sûrement entendu dès vos premières pas sur un parcours de la bouche de vos partenaires du jour certains tels que "il ne faut pas bouger la tête de la balle pendant le swing" (heu si, sinon je vais m'envoyer le club dans la tempe si je garde la tête sur la balle) ou "faut garder le bras gauche droit pendant le backswing". D'autres se rapportent aux conditions de jeu, et tout le monde a été frappé du "un arbre c'est 90% d'air" (un filet c'est 98%, et c'est encore plus efficace qu'un arbre pour arrêter une balle), et enfin, les plus savoureux à mon avis touchent au mental. Et celui du jour "il ne faut pas connaitre son score sinon on ne joue pas bien".

Celui là, honnêtement j'y ai adhéré pendant assez longtemps. Parce que j'ai pu en quelques occasions vérifier que si je me réjouissais d'une série de bons trous ou d'un score qui me semblait flatteur je le "payais" au trou suivant. Et des histoires similaires circulent par milliers dans les revues, sur les forums, dans les blogs (je crois bien que j'y ai sacrifié ici même).

Mais analysons un peu cette malédiction divine. Nous pouvons partir de trois situations initiales; le score est mauvais, il est bon, ou il est neutre. Dans l'hypothèse d'un bon score, le savoir provoquerait l'apparition rapide et assurée de bogeys, ou de doubles, ou de triples, choisissez en fonction de votre niveau de jeu. Dans la situation d'un mauvais score, le savoir finirait de nous achever et nous ne serions plus même capable de jouer un seul coup. Curieusement (à première vue), un score neutre n'est pas évoqué dans cette malédiction. Observons un peu ces trois situations. Dans un cas la réaction est d'annuler la situation (le bon score disparait), dans l'autre elle se renforce (le mauvais score s'aggrave). Cette réaction n'est pas symétrique, il est difficile de la rapporter à une cause physique. Toutes les réactions vont dans le sens d'une dégradation de la performance, ça ressemble donc bien à une malédiction, et comme on ne perçoit guère de cause naturelle, n'hésitons plus à parler de malédiction surnaturelle (laissons Dieu de coté pour le moment, il a plus important à s'occuper).

Mais si il y avait une cause naturelle dans tout ça ? Regardons ce qui se passe, dans le cas où le score est mauvais. Vous êtes par exemple 18, et arrivé à la fin du 9 vous avez déjà joué +20. Votre score est donc mauvais (mais ça arrive, je le sais très bien actuellement). On vous annonce votre score à ce moment, et vous jouez votre retour en +23. La carte est minable, vous envisagez de vous mettre au crochet, et surtout vous coulez des regards noirs sur le partenaire qui vous a annoncé les dégâts. Et pourtant; les +20 de l'aller ne sont pas arrivés par hasard. La plus grande probabilité est qu'aujourd'hui vous êtes incapable de jouer deux coups d'affilée, depuis le départ. Pourquoi donc cela aurait-il dû s'arrêter soudainement à la fin du 9. N'était-il pas plus probable que cela continue jusqu'au 18 d'où le +23 du retour ? Est-ce vraiment de connaitre le score qui vous a fait mal jouer les trous du retour ? Vous pourriez me répondre que de connaitre le score vous a empêché de refaire surface. Mais objectivement, quelle était la probabilité que vous vous mettiez soudainement à aligner les birdies ? Pas très élevée au vu de votre incapacité à jouer deux coups d'affilée sur l'aller.

Plus intéressant est le cas où le score est bon. Vous venez d'aligner des pars ou des birdies, vous finissez l'aller en +4. On vous l'annonce et à partir de là plus moyen de dépasser le bogey, vous jouez le retour en +14. A la remise des prix vous envisagez plus sérieusement encore de pendre le partenaire bavard par les testicules, surtout que vous finissez en ZT et que vous avez raté le jambon. Mais objectivement, une fois passé les envies de sévices cruels et prolongés, posons-nous quelques questions; votre niveau de jeu classique, est-il de jouer +4 sur l'aller ? Avez-vous la certitude d'être capable de jouer aussi bien le retour si vous étiez resté dans l'ignorance ? je ne voudrais pas vous enfoncer, mais les statistiques ne sont pas pour vous. Quand on est 18, il est plus probable de jouer +18 que +8, indépendamment de l'ordre des bons et des mauvais trous.

C'est marrant mais le coté divin de l'intervention surnaturelle vient d'en prendre un petit coup derrière les oreilles. C'est dommage parce que nous avons tous besoin d'un peu d'irrationnel pour faire fleurir nos angoisses. Tout compte fait ce score qui nous effraie, c'est quoi ? Matériellement ce nombre n'est que la traduction mathématique de notre habileté du moment. D'où aurait-il des pouvoirs magiques, et extérieurs à notre jeu alors qu'il n'est qu'une conséquence du jeu déjà réalisé, un reflet du passé. Mais voilà, comme tous les individus ici-bas (je simplifie arbitrairement en ne tenant pas compte des trois membres de la station orbitale ainsi que des pilotes d'avion et leurs passager en cours de vol), nous avons un part d'anxiété en nous, qui s'adosse pour notre malheur à une note dépressive, donc l'avenir n'est pas sûr et il pourrait même ne pas être un tapis de roses. Suivant les gens c'est plus ou moins profond, mais je conseille à ceux qui sont actuellement persuadé que leur avenir immédiat est de finir enseveli dans l'effondrement de leur immeuble de continuer à prendre leur traitement. Ou de quitter au plus tôt ce bâtiment promis au dynamitage.

Bref, ce refus du score n'est en définitive que le reflet de notre anxiété sur le parcours. Et c'était assez évident puisqu'en fait toutes les stratégies proposées pour occulter ce chiffre se confondent avec des stratégies d'évitement bien connues en psychologie. Que ce soit le concept du "je découpe le parcours en tronçons de 3 trous" qui permet de diluer l'impact psychologique du score, car on a toutes les chance d'avoir un score situé entre -1 et +2 par rapport à sa référence, jusqu'au "je joue coup après coup sans tenir compte de ce qui s'est passé avant ni de ce qui m'attend" qui n'est à mon sens plus du golf.

Et que dit la psychologie à propos des angoisses ? Qu'elle peuvent se maitriser, qu'elles peuvent s'affronter, qu'on peut parfois les rendre inopérantes, mais pas vraiment qu'il faut les éviter ou nier leur existence. Il existe beaucoup de méthodes pour réaliser ces travaux sur soi, qui s'adaptent chacunes plus ou moins à l'individu qui les emploie. Il est donc difficile de proposer une technique ou une autre. Mais ce que je constate c'est que dans la quasi-totalité des autres sports le score est un élément essentiel du jeu, pendant son déroulement. Y compris dans les sports sans adversaire direct, comme par exemple les sports de lancer ou de cible. Parce que le score a une influence sur le déroulement du jeu.

Et en golf aussi le score a une influence réelle sur le déroulement théorique d'une partie. Quand on a fait une partie médiocre et qu'arrivé au départ du 18 il ne manque qu'un point pour sauver la ZT, il n'est pas très intelligent de prendre tous les risques pour chercher l'eagle qui de toutes façons ne nous apportera pas suffisamment de points pour dépasser la ZT. A l'inverse, s'il faut 3 points pour s'assurer d'une performance, on a tout intérêt à attaquer autant qu'on peut pour chercher le birdie, le bogey comme le triple seront sans conséquences.

Je pense donc qu'il faut apprendre à vivre avec le score pendant la partie de golf, sans le craindre, et l'utiliser. Nous avons assez peu d'aides dans ce jeu pour ne pas refuser celles qui se présentent, même si elles sont cachent.

PS: dimanche dernier j'ai joué un petit scramble caritatif avec 3 partenaires de hasard. J'étais l'index le plus bas. Ça a été long et un peu déprimant. Seulement deux fois en position de birdie (qui ne sont pas rentrés), 5 GIR seulement, 4 bogeys. Mon drive n'était pas au mieux de sa forme alors que j'étais le plus long, mes partenaires souffraient d'un jeu de fer approximatif, seul un putting correct nous a sauvé d'un naufrage collectif. Vu que l'association était la SNSM, c'était une bonne chose.